Armand Côté. Quand l’image amène à de multiples visions et sensations
« À l’instar de la majorité des tableaux des virtuoses, les toiles d’Armand Côté ne montrent pas tout ce qu’elles annoncent au premier regard. Il me semble alors plus approprié de dire qu’elles incitent à explorer la surface de l’image bien au-delà des cadres venant chez plusieurs forcément réduire le propos de leur tableau. Or, et c’est avec un très grand plaisir de pouvoir l’écrire, voici des œuvres d’une vision multiple, fragmentée en autant d’incitations qu’elles instaurent en nous afin de recréer sans cesse des repères changeant d’un univers intemporel et fascinant. De fait la minutie à peindre les choses que l’on retrouve dans la création d’Armand Côté nous rapproche du labeur de l’orfèvre polissant jour après jour les facettes d’un diamant brut. Technique irréprochable, voir digne des maîtres anciens, ce peintre sait ajouter cette indéfinissable dimension permettant d’incliner la vision du spectateur vers les zones d’un univers poétique illimité. En effet, au-delà de la représentation des objets, parlons ici d’une organisation savante des formes et des couleurs venant singulariser de belle façon la création de ce peintre dans une catégorie toute particulière.
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Ciel ! Parlons d’œuvres se mariant à l’exception par cette élégance assurée, peu communes, et par une connaissance approfondie de l’histoire de l’art dont les références suintent sur les toiles. Picasso, Modigliani : la création d’Armand Côté est le résultat contraire d’une nécessité à vouloir livrer des images d’une simple délivrance amenée par le hasard et la contrainte du marché. Découpages et transparences des formes juxtaposées ou superposées très subtilement découlent d’un esprit de synthèse relevant des visions toujours en mouvement du cubisme, du symbolisme et du romantisme si cher à Modigliani dont les visages étirés de ses personnages suggéraient la dérive d’un dernier regard vers l’être d’un amour perdu.
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La musique, la danse, le portrait, les natures mortes, et les scènes équestres demeurent ses sujets de prédilection ; ces éléments trouvant leur place à travers les effets texturés, les lignes harmonieuses et les éclats colorés orchestrés de si harmonieuse façon, le tout donnant à penser à quelque saynète théâtrale porteuse d’un hymne poétique venant célébrer la faculté d’imaginer.
En entrevue, Côté nous fait part du fait que les personnages sur la toile s’expriment par la gestuelle, le mouvement du corps, ainsi que par la position des pieds. Il ajoute que les danseurs et les gymnastes l’inspirent par leurs postures de funambules gracieux défiant tout ordre de la réalité, qu’elle soit vécue, réelle ou imaginée, un peu comme si le geste et le point d’appui des personnages dans l’espace devenaient plus importants que la représentation des personnages eux-mêmes.
Mélancolie. Beaucoup de tendresse. Virtuosité dans le geste, dans le choix des couleurs et des formes. Recours aux techniques mixtes et à diverses matières. Maîtrise du dessin par la ligne si juste et volubile. Tout concoure à insuffler le besoin de rejoindre le ryhtme et la respiration de la toile, d’où cette sensation d’accueil privilégié et de douceur à ses ouvrages. Son pinceau, tantôt cubiste tantôt symboliste, jongle avec les possibilités multiples des visions décuplées et enrobées d’un peu de fiction au lyrisme suave. »
Bois, Michel. « Armand Côté. Quand l’image amène à de multiples visions et sensations. Grandes rencontres » dans
Magazin’art, 2 (hiver 2012/2013), no 98, p. 68-72.