Armand Côté

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« Armand Côté. La peinture-objet »


Voici l’intégral de l’article de la critique d’art Lyne Cadieux publié dans la revue Magazin’Art.

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Armand Côté. La peinture-objet



Depuis Suzor-Coté, les artistes du même nom se sont multipliés. Il y en a une quarantaine au Québec. Suzor-Coté avait supprimé l’accent circonflexe, mais tous les autres l’ont conservé. Si bien qu’il est parfois difficile de les différencier. Il s’agit décidément d’une lignée douée pour les arts. C’est le cas pour Armand Côté, artiste-peintre originaire de Saint-Sylvestre de Lotbinière, qui expose depuis une vingtaine d’années et dont les tableaux se retrouvent dans les galeries de Rimouski, Québec, Baie-Saint-Paul, Montréal et ailleurs…

Au cours de ces années, Côté a développé une grande maîtrise de son art. Ayant toujours attaché beaucoup d’importance à la partie matérielle de son œuvre, il a acquis une manière qui force l’attention. La ligne est savante ; les couleurs, subtiles ; la texture, expressive, bref le résultat est séduisant et le sujet représenté est presque réduit au rôle de prétexte. C’est un peu comme l’orchestration d’une symphonie : la matière musicale est quelque-fois si riche qu’on se contente d’en jouir en oubliant toute autre considération.

En fait, on a parlé de la peinture-objet ; on a même parlé de peinture à toucher, une œuvre à la fois visuelle et tactile dans une matière qui porte l’influence texturale de la fresque. De quoi provoquer une crise cardiaque à tous les restaurateurs de tableaux ! Reste qu’il y a tentation et qu’elle s’explique. En effet, la matière plastique utilisée — support, pigment, vernis — est une préoccupation importante chez l’artiste. Et l’union de ces éléments forme une surface si invitante.

Côté a peint des personnages de toutes les grandeurs et de tous les genres. Toutefois, il semble avoir un faible pour les clowns. Est-ce à cause du caractère fantaisiste et excentrique du clown ou de la liberté que le costume et l’improvisation permettent ? Il est vrai qu’il existe une tradition du clown que beaucoup de peintres ont illustrée. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à nommer Callot (XVIIe siècle) et ses personnages de la Comédie italienne, Gillot, Bosse, Watteau, Seurat, Picasso, Toulouse-Lautrec, Zerbe et plusieurs autres.

Dans l’œuvre de Côté, on sent une filiation avec Picasso et Cézanne également. Les motifs géométriques de la tenue classique de cet Arlequin, une de ces œuvres récentes, plaisent à l’œil de celui qui, tout en demeurant figuratif, est tenté par les possibilités de l’abstraction — le cubisme par exemple. On dirait que la peinture de Côté fait semblant d’être figurative et que l’artiste est au fond plus intéressé par les qualités purement plastiques de la peinture que par ses possibilités d’expression et de communication.

L’espace figuratif — personnages, chapeaux, vêtements — se décompose chez Côté en divers motifs sans en atténuer pour autant la reconnaissance. Ici, la couleur joue un rôle prépondérant. Elle se veut descriptive et moderne : ses harmonies décrivent une ambiance chaude et paisible, celles-ci pleines d’un sentiment à la fois de tranquillité et de luminosité qui nous parle. La figuration n’est que prétexte à l’ouverture d’une conversation avec l’observateur. Cette conservation prend son plein essor à travers la mise en scène du dessin et de la couleur. Le personnage s’exprime par le geste ; ici, il est musicien ; là, danseur ; plus loin, il revêt les attributs d’un cavalier semblant appartenir à un autre monde, lointain par les costumes et actuel par la représentation théâtrale.

Les personnages d’Armand Côté nous invitent à voir, à tendre l’oreille et réussissent presque à nous faire croire qu’on assiste à un spectacle. La gestuelle théâtrale propose ainsi de jouer d’un instrument de musique, de danser, de jongler ou, simplement, d’être pris en flagrant délit de rêverie, et nous suggère une certaine noblesse des sentiments humains dans laquelle tous peuvent se reconnaître.

La ligne est un autre exemple de maturité dans l’œuvre d’Armand Côté. Parfois délimitée par le trait, parfois par la couleur et à d’autres moments par les différentes textures employées. La ligne est ainsi utilisée afin de délimiter l’espace en motifs graphiques et figuratifs. Les thèmes graphiques offrent une dimension qui nous donne l’impression de motifs sculpturaux (pointe de diamant ou alcôve) et incarnent l’apparence de matériaux tels que la céramique, la tapisserie et autres. Suffit-il simplement de regarder ?

Comme Pilot, comme Pellan, comme plusieurs peintres qui ont le souci des génération futures, Côté est préoccupé par la longévité de ses tableaux. Il consacre un grand soin à leur préparation et à leur exécution. Accordons-lui une attention de même qualité.

Lyne Cadieux


Cadieux, Lyne. « Armand Côté. La peinture-objet » dans Magazin’Art, No 4, été 1993, p. 67-70.