À l’instar de la majorité des tableaux des virtuoses, les toiles d’Armand Côté ne montrent pas tout ce qu’elles annoncent au premier regard. Il me semble alors plus approprié de dire qu’elles incitent à explorer la surface de l’image bien au-delà des cadres venant chez plusieurs artistes forcément réduire le propos de leurs tableaux. Or, et c’est avec un grand plaisir de pouvoir l’écrire, voici des œuvres d’une vision multiple, fragmentées en autant d’incitations qu’elles instaurent en nous afin de recréer sans cesse les repères changeant d’un univers intemporel et fascinant. De fait, la minutie à peindre les choses que l’on retrouve dans la création d’Armand Côté nous rapproche du labeur de l’orfèvre polissant jour après jour les facettes d’un diamant brut. Technique irréprochable, voire digne des maîtres anciens, ce peintre sait ajouter cette indéfinissable dimension permettant d’incliner la vision du spectateur vers les zones d’un univers poétique illimité. En effet, au-delà de la représentation des objets, parlons ici d’une organisation savante des formes et des couleurs venant singulariser de belle façon la création de ce peintre dans une catégorie toute particulière.
Retour sur la scène de l’art
Après une longue période moins active où le peintre s’est voué entièrement à l’éducation de ses enfants, il fait plaisir de renouer avec sa peinture sur la scène des arts visuels par l’entremise du Centre d’art de la Galerie Louise-Carrier de Lévis. Va sans dire que pour lui, il s’agissait d’une épreuve. Mais fort encouragé d’une belle réponse du public, le voici en selle à nouveau. Parlons alors d’une exposition venant souligner le retour de celui qui, ô privilège, depuis ses premiers pas en art, a toujours vécu dans l’abondance par la vente de ses tableaux. Ce qui n’est pas banal, dirons-nous ! En effet, Côté, artiste avisé et respecté, a toujours su choisir les galeries les plus professionnelles et expérimentées à travers le réseau des galeries du Québec et du Canada tout entier.
Sa peinture
Ciel ! Parlons d’œuvres se mariant à l’exception par cette élégance assurée, peu commune, et par une connaissance approfondie de l’histoire de l’art dont les références suintent sur les toiles. Picasso, Modigliani : la création d’Armand Côté est le résultat contraire d’une nécessité à vouloir livrer les images d’une simple délivrance amenée par le hasard et la contrainte du marché. Découpage et transparence des formes juxtaposées ou superposées très subtilement découlent d’un esprit de synthèse relevant des visions toujours en mouvement du cubisme, du symbolisme et du romantisme si cher à Modigliani dont les visages étirés de ses personnages suggéraient la dérive d’un dernier regard vers l’être d’un amour perdu.
La démarche du peintre
Peintre professionnel depuis 1974, Armand Côté possède une formation de graphiste acquise à l’Université Laval. La musique, la danse, le portrait, les natures mortes, et les scènes équestres demeurent ses sujets de prédilection ; ces éléments trouvant leur place à travers les effets texturés, les lignes harmonieuses et les éclats colorés orchestrés de si harmonieuse façon, le tout donnant à penser à quelque saynète théâtrale porteuse d’un hymne poétique venant célébrer la faculté d’imaginer.
En entrevue, Côté nous fait part du fait que les personnages sur la toile s’expriment pas la gestuelle, le mouvement du corps, ainsi que par la position des mains et des pieds. Il ajoute que les danseurs et les gymnastes l’inspirent par leurs postures de funambules gracieux défiant tout ordre de la réalité, qu’elle soit vécue, réelle ou imaginée, un peu comme si le geste et le point d’appui des personnages dans l’espace devenaient plus importants que la représentation des personnages eux-mêmes.
Mélancolie. Beaucoup de tendresse. Virtuosité dans le geste, dans le choix des couleurs et des formes. Recours aux techniques mixtes et à diverses matières. Maîtrise du dessin par la ligne si juste et volubile. Tout concoure à insuffler le besoin de rejoindre le rythme de la respiration de la toile, d’où cette sensation d’accueil privilégié et de douceur à ses ouvrages. Son pinceau, tantôt cubiste tantôt symboliste, jongle avec les possibilités multiples des visions décuplées et enrobées d’un peu de fiction au lyrisme suave. Sur le pas de la porte de l’atelier ces mots de l’artiste : « J’aime me laisser entraîner dans l’univers du jongleur, des musiciens, des funambules, des comédiens et du coq qui chante dès le lever du soleil nouveau que chacun des jours amène… » Que de croquer dans la vie à belle dent malgré les craintes, les petits problèmes personnels, les désirs et la réalisation des rêves à vivre, que nous soyons artistes capables de peindre pour dire notre apport à l’existence humaine ou non, n’est-ce pas là le lot de ceux qui savent la beauté ultime de la vie ? Oui, il me semble… Que nous soyons artistes, peintres, sculpteurs, graveurs, photographes ou collectionneurs. Spectateurs privilégiés de la scène de l’art… il fait plaisir de se retrouver devant ces œuvres comme au premier jour de la découverte de tout un univers.
Michel BoisBois, Michel (2012). « Armand Côté. Quand l’image amène à de multiples visions et sensations » dans
Magazin’Art, no 2, hiver 2012/2013, no 98, p. 68-72.